1) INTRODUCTION:
François Doyon La Rochelle:
Bienvenue à Sujet Capital, un balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.
Vos hôtes pour ce balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.
Au programme aujourd’hui pour l’épisode #78:
Nous discutons à savoir si c’est le temps de changer votre allocation aux actions américaines.
Bonne écoute !
2) EST-CE QUE C’EST LE TEMPS DE CHANGER VOTRE ALLOCATION AUX ACTIONS AMÉRICAINES :
François Doyon La Rochelle:
Lors de notre dernier Podcast on a passé en revue les performances des classes d’actifs pour la première moitié de 2025. Aujourd’hui, on va aborder une question que plusieurs de nos clients nous posent : Devrions-nous réduire notre allocation aux actions américaines ?
Comme nos auditeurs réguliers le savent, les marchés boursiers américains ont largement surperformé les actions internationales (tant des pays développés qu’émergents) depuis la crise financière mondiale de 2008-2009.
James Parkyn:
François, c’est en effet une question qui revient souvent en clientèle. Jusqu’à présent en 2025, les actions internationales ont surpassé les actions américaines. La grande question pour de nombreux investisseurs à travers le monde est donc : Quelle proportion de leur portefeuille devrait être investie à l’international ?
Récemment dans un article du Wall Street Journal, le journaliste Randall Smith cite Gargi Chaudhuri, stratège de portefeuille chez BlackRock, l’un des plus grands gestionnaires institutionnels mondiaux : « Les clients nous demandent comment repenser leurs portefeuilles hors des États-Unis. Beaucoup de gens n’ont pas vraiment réfléchi à cette question ces dernières années. »
Francois comme tu sais, nous avons abordé cette question à plusieurs reprises dans nos podcasts, notamment dans l’épisode #75 où nous avons couvert l’annuaire UBS sur les rendements de placement mondiaux pour l’année 2025.
François Doyon La Rochelle:
Maintenant que les actions américaines sont à la traîne, tout le monde se demande si nous assistons pas à un point tournant. Et avec le chaos qui règne à Washington, on pense instinctivement que les États-Unis ne vont pas dans la bonne direction.
James Parkyn:
Eh bien François, les investisseurs sont vulnérables au biais rétrospectif. C’est un sujet largement étudié en finance comportementale.
consulter notre page Statistiques de marché pour voir la comparaison de performance à long terme en dollars canadiens. Nous mettrons le lien à cette page avec l’épisode.
Depuis le début de l’année, les chiffres reflètent le fait que le dollar canadien s’est apprécié de 5,6 % par rapport au dollar américain.
Dans les six premiers mois de l’année, les actions internationales des pays développés, mesurées par l’indice MSCI EAFE, ont progressé de 13,2 % en dollars canadiens. En devises locales, elles sont en hausse de 7,8 %.
Les marchés émergents ont également bien performé en première moitié d’année : les grandes et moyennes capitalisations ont généré un rendement de 9,5 %, toujours en dollars canadiens.
François, cette surperformance des actions internationales est très récente. Dans notre épisode #75 en début d’année, on a aussi souligné qu’ au cours des 15 dernières années, les marchés boursiers américains ont dominé les marchés boursiers internationaux. Cela a poussé de nombreux investisseurs, notamment américains, à remettre en question les avantages de la diversification internationale. Mais cette année, on en voit enfin les bénéfices.
L’histoire des marchés nous enseigne qu’il faut accepter que, parfois, la diversification ne rapporte pas à court terme, mais qu’elle offre à long terme un meilleur rendement ajusté au risque.
François Doyon La Rochelle:
James, je pense qu’il faut expliquer à nos auditeurs pourquoi les actions américaines ont surperformé au cours des 15 dernières années.
James Parkyn:
L’article du WSJ que j’ai mentionné plutôt met en lumière deux principales raisons expliquant cet écart de performance sur 15 ans.
Premièrement, il y a l’appréciation du dollar américain par rapport aux devises étrangères. Deuxièmement, la domination des États-Unis dans les secteurs à forte croissance, notamment la technologie, avec les fameuses actions des « Magnificent Seven » : Alphabet (maison-mère de Google), Amazon, Apple, Meta Platforms (maison-mère de Facebook), Microsoft, Nvidia et Tesla.
François, comme les actions américaines ont fortement surperformé, les investisseurs ont suivi la performance et ils ont alloué davantage à cette classe d’actifs. Mais l’envers de cette médaille est la valorisation. Le marché boursier américain est à présent beaucoup plus cher que celui des actions internationales, même après la sous-performance récente.
Toujours selon l’article du WSJ de Randall Smith, et d’après Yardeni Research : « … avec un ratio cours/bénéfices de 23 fois les bénéfices futurs attendus, soit une prime importante par rapport aux actions internationales (excluant les États-Unis) qui se négocient à 14 fois, selon les cours du marché au 2 juillet. » Les actions américaines demeurent surévaluées selon de nombreuses mesures historiques.
François Doyon La Rochelle:
James, on peut aussi dire que les marchés boursiers internationaux n’ont pas produit de titres équivalents aux « Magnificent Seven » pour soutenir leurs rendements. Certains y voient une forme d’exceptionnalisme américain. Les États-Unis possèdent un marché de capital-risque et de capital-investissement très développé, que peu d’autres pays peuvent égaler. Plusieurs de ces jeunes entreprises pourraient même un jour devenir des titres à méga-capitalisations.
Mais James, aurais-tu des éléments d’analyse à partager sur les valorisations et les performances boursières américaines selon des données statistiques à long terme ?
James Parkyn:
Effectivement, François. Récemment, Antti Ilmanen, un ancien professeur de finance qui est maintenant associé et co-responsable mondial du groupe Portfolio Solutions chez AQR — un grand gestionnaire institutionnel basé aux États-Unis — a publié un rapport intitulé Exceptional Expectations: U.S. vs. Non-U.S. Equities.
Il aborde précisément notre sujet. Le rapport décompose la surperformance historique des actions américaines en trois composantes : le rendement du dividende, la croissance et le changement de valorisation. Il s’attaque à la question de l’allocation entre actions américaines et internationales en analysant les moteurs de performance relative, en particulier le rôle des fondamentaux et des valorisations.
François Doyon La Rochelle:
James, j’aime le fait que le rapport souligne le débat des dernières années chez les grands gestionnaires mondiaux sur la façon d’allouer les fonds aux actions mondiales. En particulier, le défi constant auquel ils sont confrontés : comment réagir à la surperformance persistante des actions américaines. Le rapport d’AQR mentionne et je site :
« Certains gestionnaires mondiaux ont maintenu des pondérations basées sur la capitalisation boursière malgré des valorisations relatives de plus en plus extrêmes. D'autres ont adopté une approche contrarienne fondée sur les rendements attendus basés sur les dividendes, et d'autres encore ont carrément abandonné le reste du monde, estimant que les États-Unis étaient clairement mieux placés pour favoriser l’innovation technologique, la croissance des bénéfices et les rendements pour les investisseurs. »
James Parkyn:
Donc, en résumé, ce rapport d’AQR met en lumière que même les grands gestionnaires mondiaux n’ont pas de réponse claire quant à la bonne manière d’allouer à l’échelle mondiale. Et nous croyons nous aussi qu’il n’existe pas une seule bonne réponse.
Le rapport montre que la surperformance américaine depuis 1990 s’explique principalement par un enrichissement des valorisations relatives. Je cite le rapport d’AQR :« À la fin de 2024, les valorisations relatives avaient atteint un niveau historiquement extrême, et nous soutenons qu’un retour à la moyenne est une hypothèse plus raisonnable que l’inverse.’’
François Doyon La Rochelle:
Pour nos auditeurs, James, je rappellerais que la décennie de 2000 à 2010 — qui inclut la crise financière mondiale de 2008-2009 — a été une décennie perdue pour les marchés américains, qui ont sous-performé par rapport au reste du monde.
Les marchés américains ont également sous-performé durant d’autres longues périodes, comme dans les années 1970 et 1980.
Ceci dit, le rapport souligne — et je cite :
« Les États-Unis ont connu des rendements annuels moyens et une croissance des bénéfices supérieurs sur les 50 à 100 dernières années — bien que ces surperformances soient moins importants que ce que laissent croire les valorisations récentes. Nous pensons que les valorisations élevées actuelles et les prévisions de croissance anormales reflètent en partie une confusion de la part des investisseurs entre une surperformance liée aux valorisations et une surperformance liée à la croissance (cette dernière étant plus raisonnable à extrapoler). »
James Parkyn:
C’est beaucoup de jargon Francois. Pour simplifier les choses pour nos auditeurs, l’une des conclusions principales du rapport est que les actions américaines ont bénéficié d’un avantage de croissance des bénéfices d’environ 1 % par an sur le long terme au cours du dernier siècle.
C’est d’ailleurs ce que nous avions vu dans les données de l’annuaire de rendement UBS 2025. Ce n’est donc pas une surprise pour nos auditeurs réguliers.
Le rapport précise également :« Ces dernières décennies, l’avantage de rendement des actions américaines a été considérablement amplifié par le réajustement des valorisations relatives. Le différentiel de rendement à long terme est proche de 2 % par an, mais la surperformance a été bien plus importante depuis la crise financière mondiale, principalement en raison du changement de valorisation relative, mais aussi d’un avantage de croissance plus marqué et de l’appréciation du dollar américain. »
Je cite encore :
« Le fait d’utiliser un rétroviseur à court terme et d’ignorer l’impact des variations de valorisation peut pousser les investisseurs a extrapoler et à formuler des attentes excessivement optimistes quant à la croissance et aux rendements futurs des actions américaines. Les attentes subjectives de croissance sont souvent basées sur l’extrapolation, mais objectivement, une décennie de forte croissance annonce généralement une décennie plus faible. »
En d’autres termes, François, ce qu’ils nous disent ici, c’est que lorsqu’une classe d’actifs surperforme pendant longtemps, il est logique d’anticiper des rendements plus faibles à l’avenir.
La décennie perdue de 2000 à 2010 a d’ailleurs suivi l’une des meilleures décennies pour les marchés américains, celle des années 1990.
François Doyon La Rochelle:
Je suis d’accord, James. Le message principal du rapport, c’est que les États-Unis ont bénéficié d’une croissance des bénéfices à long terme plus forte.
Le rapport ajoute aussi qu’il est raisonnable de prévoir une certaine surperformance des actions américaines à l’avenir, mais qu’aux niveaux de valorisation actuels, le marché semble escompter une surperformance beaucoup plus importante que ce qui est réaliste.
James Parkyn:
Ça nous amène à une question clé : À quel point cette surperformance est-elle surévaluée ?
Le rapport y répond en posant une autre question sous un autre angle :
Quelle croissance des bénéfices serait nécessaire au cours de la prochaine décennie pour que les actions américaines offrent le même rendement que les actions internationales, en supposant que les valorisations ne changent pas ?
La réponse, selon les hypothèses de marché d’AQR au 31 décembre 2024, est une surperformance des bénéfices de 2,2 % par an pour que les actions américaines génèrent les mêmes rendements que les actions internationales.
François Doyon La Rochelle:
C’est un point très important du rapport. Et je cite:« Peu d’investisseurs réalisent à quel point les performances absolues et relatives passées reflètent une revalorisation, ce qui ne devrait absolument pas être extrapolé — surtout lorsque les valorisations extrêmes actuelles pointent dans la direction opposée. Les attentes fondées sur le passé sont souvent les plus fortes au moment où elles deviennent les plus dangereuses. »
Ceci dit, James, il faut rappeler à nos auditeurs canadiens qu’il existe un argument solide en faveur de la diversification au sein même des actions.
Notre modèle propose une allocation de 20 % aux actions canadiennes, 50 % aux actions américaines et 30 % aux actions internationales.
L’équilibre entre actions américaines et internationales correspond à leur part dans la capitalisation boursière mondiale : environ deux tiers en actions américaines et un tiers en actions internationales.
James Parkyn:
Nous avons toujours maintenu une allocation importante aux actions américaines. Et comme elles ont surperformé au fil du temps, nous avons rééquilibré régulièrement pour revenir à nos pondérations cibles.
J’aimerais aussi dire à nos auditeurs que certains clients nous demandent maintenant si nous devrions réduire notre exposition aux actions américaines.
La réponse courte : non, nous ne le faisons pas. Ce serait une forme de market timing, ou de tentative de prédire l’avenir.
Cependant, dans des cas particuliers, nous pouvons ajuster les pondérations selon la situation et les objectifs spécifiques du client.
François Doyon La Rochelle:
Pour conclure, James, quels sont tes principaux messages à retenir pour nos auditeurs concernant la diversification mondiale ?
James Parkyn:
En ce moment, il y a beaucoup de pessimisme à l’égard des actions américaines, surtout chez les investisseurs non américains.
Mais comme nous aimons le faire dans ce podcast, je vais citer Warren Buffett : « Ne pariez jamais contre l’Amérique. »
Il a répété cette citation à plusieurs reprises, notamment dans sa lettre de 2021 aux actionnaires de Berkshire Hathaway.
François Doyon La Rochelle:
James, dans cette lettre, il a écrit :
« Malgré quelques interruptions sévères, le progrès économique de notre pays a été remarquable. Notre conclusion inébranlable : Ne pariez jamais contre l’Amérique. »
Il a aussi rappelé que son conglomérat détient, en valeur, plus d’actifs (terrains, usines et équipements) que toute autre entreprise aux États-Unis.
On peut dire qu’il prêche par l’exemple.
James Parkyn:
Absolument François.
Un autre point que je souhaite partager avec nos auditeurs vient encore de notre podcast #75. Depuis 2000, lorsque les marchés sont très volatils, ils ont tendance à évoluer dans la même direction.
Mais les bénéfices en matière de réduction du risque grâce à la diversification internationale sont bien réels.
L’annuaire UBS montre qu’au cours des 50 dernières années, les portefeuilles diversifiés à l’échelle mondiale ont généré des ratios de Sharpe plus élevés que les investissements purement domestiques dans la majorité des pays.
Pour rappel, le ratio de Sharpe mesure le rendement ajusté au risque, c’est-à-dire combien de rendement un placement génère pour chaque unité de risque prise.
François Doyon La Rochelle:
Il n’y a rien de vraiment nouveau ici, James. Comme nous l’avons souvent dit, la diversification est une composante essentielle de notre discipline d’investissement.
La puissance de la diversification — entre actions, marchés et classes d’actifs — permet de réduire, mais non d’éliminer, le risque.
Sur les 50 dernières années, sauf pour les investisseurs américains, investir à l’échelle mondiale a permis d’obtenir de meilleurs rendements ajustés au risque que l’investissement uniquement dans le marché local.
James Parkyn:
Comme nos auditeurs réguliers le savent, François, nous avons traversé quatre marchés baissiers depuis 2000, et nous devons être rémunérés pour le risque que nous prenons.
La prime de risque pour l’investissement en actions existe pour une bonne raison : c’est la compensation pour la volatilité et les baisses potentielles.
François Doyon La Rochelle:
De bonnes décisions d’investissement, basées sur des critères rationnels, peuvent parfois donner des résultats décevants.
Ça nous ramène, James, à l’importance d’une perspective à long terme, et à une compréhension des lois fondamentales du risque et du rendement.
Je recommande à nos auditeurs de toujours prendre en compte leurs objectifs à long terme, leur profil de risque, leur tolérance au risque et leur horizon temporel lorsqu’ils construisent leur portefeuille.
J’espère que notre discussion sur l’allocation entre actions américaines et internationales aidera nos auditeurs à prendre de bonnes décisions à long terme.
Il faut toujours revenir à la perspective risque/rendement, et à l’importance de la diversification et de l’allocation d’actifs.
Comme nos auditeurs réguliers le savent, ceci est au cœur de notre philosophie d’investissement.
3) CONCLUSION
François Doyon La Rochelle:
Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir aujourd’hui.
James Parkyn:
il m’a fait plaisir Francois.
François Doyon La Rochelle:
Hé bien c’est tout pour ce 78ième épisode de Sujet Capital! Nous espérons que vous avez aimé.
N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com
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Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 3 septembre. N’oubliez pas de consulter le site Web de sujet capital pour voir nos derniers blogues.
A bientôt.