1)   INTRODUCTION :

François Doyon La Rochelle : Bienvenue à Sujet Capital, un Balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.

Vos hôtes pour ce Balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.

Au programme aujourd’hui pour l’épisode #56 :

Pour notre premier sujet, nous passerons en revu les principes de base des régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) et des stratégies de retrait.

Et ensuite, pour notre second sujet, nous discuterons du biais des investisseurs vers leur marché domestique.

Bonne écoute !

2)   PLANIFICATION DES RETRAITS D’UN REEE :

François Doyon La Rochelle : Après une courte pause pour l'été, et puisque c'est la rentrée scolaire, nous avons pensé qu'il serait bon de vous donner un bref aperçu du fonctionnement du régime enregistré d'épargne-études (REEE) et des meilleures stratégies pour optimiser les retraits de votre régime d’épargne-études de la manière la plus avantageuse.

James Parkyn : Oui François, on va aborder le scénario où, après de nombreuses années d'épargne diligente en vue des études postsecondaires de votre enfant, vous arrivez au moment où vous devez retirer des fonds. D'après notre expérience avec nos clients, les règles de retrait sont complexes. C'est pourquoi on a décidé de vous expliquer comment fonctionnent les retraits d'un REEE et comment tirer le meilleur parti de votre épargne.

François Doyon La Rochelle : Je pense que le fait de ne pas comprendre parfaitement comment fonctionnent les retraits du REEE ajoute au stress de voir nos enfants commencer une nouvelle étape de leur vie. Donc, avant d'aborder les règles et les stratégies de retrait, voici un bref rappel du fonctionnement du REEE.

Le REEE est un compte d'épargne fiscalement avantageux qui sert à financer les études postsecondaires d'un enfant. On recommande normalement d'ouvrir un REEE le plus tôt possible après la naissance de l'enfant. Il ne faut pas oublier de demander le numéro d'assurance sociale (NAS) car il est essentiel à l’ouverture du compte.

James Parkyn : Vous pouvez attendre avant d’ouvrir un REEE, mais ce que vous voulez idéalement, c'est que la magie de l'intérêt composé opère le plus rapidement possible sur vos cotisations et sur les généreuses subventions que vous recevrez des gouvernements. Les parents de jeunes enfants ont de nombreuses priorités concurrentes pour leurs revenus après impôt, et comme les cotisations ne sont pas déductibles d'impôt, il est préférable de commencer tôt et de ne pas être pris à faire du rattrapage de cotisations. Plus vous avez d'enfants, plus le défi est grand. J'aimerais rappeler à nos auditeurs que dans notre Balado no 23, on a discuté de la stratégie pour les grands-parents de donner de l'argent à leurs enfants qui en contrepartie pourront faire les cotisations à un REEE pour leurs petits-enfants.

François Doyon La Rochelle : Il y a deux principaux avantages à cotiser à un REEE. Le premier est le report de l'impôt sur la croissance de l’argent investie, et le second, c’est comme tu l’a mentionné James, qui est que vous recevrez des subventions gouvernementales sur vos cotisations.  Au niveau du fédéral, vous recevrez la Subvention canadienne pour l'épargne-études (SCEE). La SCEE est une subvention de 20 % sur votre cotisation, jusqu'à un maximum de 2 500$ par an. Ça veut dire que vous recevez 500 $ d'argent gratuit sur votre cotisation de 2 500$.

James Parkyn : D'autres provinces offrent également des subventions. Ici, au Québec, vous obtenez une subvention supplémentaire de 10 %. En supposant que vous versiez la cotisation annuelle maximale de 2 500 $, vous recevez une subvention de 500 $ du gouvernement fédéral et 250 $ du gouvernement du Québec. Ces subventions seront directement déposées au REEE. Vous pouvez considérer les subventions comme un retour immédiat de 20 à 30 % sur votre investissement. Il existe également d'autres types de subventions pour les familles à faible revenu.

François Doyon La Rochelle : Il y a un plafond de cotisation à vie de 50 000 $ par bénéficiaire et un plafond de subvention à vie de 7 200 $ au niveau fédéral et de 3 600 $ de la part du gouvernement du Québec. Ces subventions sont disponibles jusqu'à la fin de l'année civile où le bénéficiaire atteint l'âge de 17 ans. En revanche, étant donné que la SCEE a été conçue pour encourager l'épargne à long terme en vue des études postsecondaires, n'attendez pas que l'enfant ait 16 ou 17 ans pour ouvrir un REEE et y verser des cotisations, parce que vous pourriez ne pas remplir les conditions requises pour recevoir la SCEE.  

James Parkyn : J’ajouterai François, qu’il est important de souligner que si vous ne pouvez pas cotiser la totalité des 2 500 $ au cours d'une année pour maximiser les subventions gouvernementales, les cotisations non-maximisées peuvent être faites au cours des années suivantes. Cependant, il faut faire attention au fait qu'au cours d'une année, on ne peut recevoir qu'un maximum de 1 000 $ de subventions du gouvernement fédéral et de 500 $ du gouvernement du Québec. La contribution maximale admissible à une subvention pour une année donnée est donc de 5 000 $.

François Doyon La Rochelle : Maintenant qu’on a couvert les règles de base du REEE en ce qui concerne les cotisations, on va maintenant discuter de comment retirer les fonds de la manière la plus efficace sur le plan fiscal lorsque l'enfant commence des études postsecondaires.

James Parkyn : Nos auditeurs doivent savoir que pour retirer des fonds d'un REEE de façon fiscalement avantageuse, il faut une planification minutieuse. Vous devez vous assurer de bien comprendre les règles de retrait maximal du REEE et la situation fiscale du bénéficiaire pendant les années où vous prévoyez faire des retraits. En fin de compte, vous voulez éviter que le bénéficiaire ait à payer des impôts plus élevés que nécessaire. Vous devez également veiller à optimiser le retrait des subventions pour chaque bénéficiaire avant qu'ils ne terminent leurs études, sinon vous risquez de devoir rembourser les subventions gouvernementales.

François Doyon La Rochelle : Tout à fait, d'abord, vous devez comprendre que le montant accumulé dans le REEE pour chaque bénéficiaire appartient à trois catégories différentes.

La première se compose de vos cotisations, c'est-à-dire de l'argent que vous avez versé dans le régime. Le deuxième panier est celui des subventions, qu'elles proviennent du gouvernement fédéral ou, dans certains cas, du gouvernement provincial. Le dernier et le troisième panier sont les revenus accumulés. Ça c’est la croissance à l'abri de l'impôt sur les cotisations et les subventions, qui se compose de gains en capital, de dividendes et d'intérêts.

James Parkyn : Étant donné que ces trois paniers sont imposés différemment, on crée des chiffriers pour chaque bénéficiaire afin de déterminer le montant accumulé dans chaque panier. Ça nous permet d'élaborer une stratégie de retrait optimisée sur le plan fiscal.

François Doyon La Rochelle : Pour commencer à retirer des fonds d'un REEE, l'enfant doit présenter une preuve d'inscription à un programme d'études admissible à temps plein ou à temps partiel dans une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement désigné.

James Parkyn : On devrait ajouter François, qu’avant de commencer à retirer des fonds, le souscripteur doit confirmer avec le bénéficiaire le nombre d'années pendant lesquelles il a l'intention de poursuivre ses études et estimer le coût annuel total nécessaire pour l'obtention de son diplôme. Le souscripteur doit également discuter des revenus estimés que le bénéficiaire gagnera chaque année grâce à son travail et à ses programmes de stage.

François Doyon La Rochelle : C'est un bon point James, lorsque vous retirez de l'argent du REEE, il y a deux types de retraits. Il y a le retrait pour études postsecondaires (EPS) qui est essentiellement un retrait de vos cotisations, ce qui n'est pas imposable. Et il y a les paiements d'aide aux études (PAE) qui sont composés des subventions, des gains en capital, des dividendes et des intérêts qui se sont accumulés au fil des ans et qui sont imposables entre les mains du bénéficiaire (l'étudiant). Un feuillet T4A sera envoyé par l'institution financière à l'étudiant pour les retraits du PAE.

James Parkyn : Étant donné que les paiements d'aide aux études (PAE) sont imposés comme un revenu pour l'étudiant, l'année du retrait, il est important de connaître avant le retrait le montant du revenu imposable que l'étudiant s'attend à gagner. Au cours des premières années, le revenu du bénéficiaire sera généralement faible, il est donc logique de donner la priorité aux retraits de PAE. Toutefois, au fil du temps, le revenu de l'étudiant peut augmenter en raison d'emplois d'été et de programmes de stages mieux rémunérés. Les retraits effectués dans le cadre du PAE risquent d’engendrer un impôt à payer. À ce moment-là, vous pourriez envisager une combinaison de retrait PSE (vos cotisations) et de retrait PAE.

François Doyon La Rochelle : Une fois inscrit dans un établissement d'enseignement post-secondaire, il n'y a pas de limites aux retraits d’EPS, mais il y a des limites aux retraits de PAE pendant les 13 premières semaines. La limite pour les étudiants à temps plein est maintenant de 8 000 $.  Elle a été relevée de 5 000 $ dans le dernier budget fédéral. Pour les étudiants à temps partiel, la limite est passée de 2 500 à 4 000 dollars.   

James Parkyn : Après les 13 premières semaines aux études, il n'y a aucune restriction sur le montant que vous pouvez retirer du PAE. Assurez-vous que votre plan de retrait épuise la totalité du PAE avant que l'étudiant bénéficiaire ne termine ses études. Cependant, maintenez ces retraits annuels en dessous du seuil limite du PAE qui s’élève à 26 860 $ pour 2023. Au-delà de cette limite, vous pourriez devoir présenter des reçus et des pièces justificatives de dépenses.

François Doyon La Rochelle : Il est préférable de donner la priorité aux retraits du PAE, car si l'enfant quitte l'école ou s'il y a encore des subventions et des revenus accumulés dans le compte six mois après la fin de ses études, vous risquez de perdre certains avantages du REEE. Cependant, le retrait des cotisations n'est pas un problème, car cet argent vous appartient en tant que souscripteur.

James Parkyn : Oui François, si l'enfant quitte ou termine ses études et qu'il y a encore des subventions et des revenus accumulés dans le compte, ça se complique, mais heureusement, il y a encore quelques options. Tout d'abord, puisque vous pouvez garder un REEE ouvert pendant 35 ans, vous pouvez attendre de fermer le compte pour voir si le bénéficiaire pourrait retourner à l'école dans le futur.

Deuxièmement, si vous êtes certain que l'enfant ne retournera pas à l'école, vous pouvez transférer les subventions et le revenu accumulé à un frère ou une sœur âgée de moins de 21 ans.  La subvention maximale de la SCEE de 7 200 $ par enfant reste néanmoins applicable. Le transfert de subventions ne peut donc pas porter le total des subventions du frère ou de la sœur à plus de 7 200 $. S'il y a des subventions excédentaires, elles devront être retournées au gouvernement.

François Doyon La Rochelle : S'il n'y a pas de frère ou de sœur, les subventions doivent être remises au gouvernement. Pour ce qui est du revenu accumulé, si le REEE est ouvert depuis au moins 10 ans, il y a deux options. Vous pouvez retirer ce que l'on appelle un paiement de revenu accumulé (PRA).

James Parkyn : Oui, mais il faut éviter de retirer directement le PRA, car ces paiements sont imposables pour le souscripteur à son taux marginal d'imposition, plus une pénalité fiscale supplémentaire de 20 %.

François Doyon La Rochelle : En effet, une meilleure option si vous avez de droits de cotisation à un REER, vous pouvez transférer jusqu'à un maximum à vie de 50 000 $ à votre REER ou à un REER conjoint et demander une déduction. Bien que ce paiement de revenu accumulé (PRA) soit déclaré comme un revenu imposable, il est entièrement compensé par votre déduction REER. Si vous n'avez de droits de cotisation à un REER, vous pouvez retarder le retrait des fonds jusqu'à ce que vous ayez accumulé de l’espace REER additionnel. N'oubliez pas que vous avez 35 ans après l’ouverture du compte avant que vous deviez le fermer. Également, si vous avez un enfant handicapé, vous pouvez transférer le PRA dans un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI). 

James Parkyn : Pour nos auditeurs, je pense que vous êtes en mesure d’apprécier qu’il y a beaucoup de règles avec les REEE et ça peut devenir compliqué. Pour toute situation particulière, je vous suggère d'en discuter avec votre conseiller.

François Doyon La Rochelle : Je suis d'accord James, je pense qu’on a couvert l'essentiel, mais j'ai deux petites choses à ajouter. Premièrement, lorsque vous vous approcherez du moment où vous devrez retirer des fonds du REEE, pensez à réduire le niveau de risque de vos investissements pour protéger les actifs. Deuxièmement, tous les fonds retirés du REEE n'ont pas à être utilisés exclusivement pour des dépenses liées à l'école s’ils ne sont pas nécessaires. Au moment des retraits, les enfants seront devenus de jeunes adultes et les fonds excédentaires pourraient être placés dans leur CELI ou leur CELIAPP pour la retraite ou l'achat d'une maison.

3)   LE BIAIS DES INVESTISSEURS VERS LEUR MARCHÉ DOMESTIQUE :

Francois Doyon La Rochelle : Comme nos auditeurs réguliers le savent, nous vivons dans un nouveau monde de taux d’intérêt plus élevés. Ce nouvel environnement de taux d’intérêt a un impact sur tous les investisseurs quant à l’allocation de leur portefeuille. Dans le podcast n°53, nous avons abordé le sujet du portefeuille 60 % actions/40 % obligations comme point de départ pour définir votre allocation d'actifs à long terme.  Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur la composante "actions" de votre portefeuille, et plus particulièrement sur le degré d'exposition aux actions mondiale que vous devriez avoir.  Alors, James, c’est quoi ton opinion sur le sujet ?

James Parkyn : Oui François, la première d’étape est vraiment la décision d'investir dans les actions à l'échelle mondiale. L'étape suivante consiste à déterminer une répartition appropriée.  La méthode d'allocation standard pour les actions mondiales consiste à investir proportionnellement en fonction de la capitalisation boursière, qui est le poids de la valeur globale des actions dans chaque pays. Cette méthode suppose que les marchés sont efficients et que les prix des actifs reflètent toutes les informations disponibles et les attentes des investisseurs.

Francois Doyon La Rochelle : Dans la pratique, la plupart des investisseurs du monde développé affichent un fort biais vers les actions domestiques et les surpondèrent par rapport à leur capitalisation boursière mondiale. Les données récentes indiquent que le Canada représente seulement que 3,4 % de la capitalisation boursière mondiale.  Mais James, comment les Canadiens investissent ?

James Parkyn : Vanguard a publié cet été un document sur le biais domestique canadien intitulé "A Case for Global Diversification", citant les données du Fonds monétaire international.  Dans ce papier de recherche, il est indiqué que les investisseurs canadiens ont alloué 52,2 % de leur allocation totale en actions à des actions canadiennes, ce qui représente une surpondération de 15 fois la pondération réelle de 3,4 %.

Francois Doyon La Rochelle : Malgré les avantages de la diversification d'un portefeuille à l'échelle mondiale, la préférence nationale est très forte chez les investisseurs canadiens.  Est-ce que c’est la même réalité pour les investisseurs étrangers ?

James Parkyn : Le document de Vanguard contient un graphique intéressant qui montre que la préférence pour le marché domestique est un phénomène observé à l'échelle mondiale.  Les Américains ont une préférence pour leur marché domestique de 79,4 % par rapport à un poids global de 65,5 %, tandis que les investisseurs britanniques ont une préférence beaucoup plus faible de 26,3 % par rapport à un poids global de 4,2 %.  Dans les pays développés d'Europe, ce pourcentage est de 53,6 %, contre 18,2 % au niveau mondial.

Francois Doyon La Rochelle : Si on se base sur ce graphique, on peut affirmer que les investisseurs de la plupart des pays développés surpondèrent considérablement leur actions domestiques par rapport au poids de la capitalisation boursière de leur pays dans un indice d'actions diversifié à l'échelle mondiale. Si le poids de la capitalisation boursière de chaque pays est un bon point de départ, je pense que plusieurs autres facteurs essentiels doivent être pris en compte pour décider de l'allocation aux actions internationales. Les investisseurs doivent évaluer plusieurs facteurs avant de prendre une décision, tels que la réduction de la volatilité, les rendements attendus, les coûts de mise en œuvre, les considérations fiscales, aussi que leurs propres objectifs et leur capacité à prendre des risques.

James Parkyn : Une façon d'évaluer les avantages espérés de la diversification en actions internationales c’est d'analyser l'impact sur la volatilité du portefeuille dans son ensemble. Par exemple, on peut simuler la volatilité quand on ajoute des allocations en actions internationales à un portefeuille d'actions domestiques.

Vanguard a également publié un papier de recherche aux U.S en 2021 intitulé “Global Equity Investing: The benefits of diversification and sizing your allocation’’ , basé sur des données de marché se terminant le 30 septembre 2020. Dans ce papier, Vanguard rapporte que "sur chaque marché que nous avons examiné, notre analyse a montré que la volatilité était la plus faible avec une allocation en actions internationales entre 35 % et 55 %. Si cette observation peut aider les investisseurs à déterminer la combinaison appropriée d'actions nationales et internationales, la réduction de la volatilité n'est pas le seul facteur à prendre en compte." Pour nos auditeurs, j’aimerai souligner que ce papier a été rédigé à l'intention des investisseurs américains.

Le papier canadien de Vanguard de juillet 2023 démontre que la réduction de la volatilité du portefeuille pour un investisseur canadien diminue à mesure que la part des actions internationales augmente jusqu'à 70 %, puis commence à diminuer progressivement. Le papier conclut : "Si l'on examine les données, la répartition optimale des actifs pour les investisseurs canadiens est une répartition de 30 % en actions canadiennes et de 70 % en actions internationales, car il a été démontré qu'elle minimise la volatilité à long terme de leur portefeuille."

Francois Doyon La Rochelle : Dans nos portefeuilles modèle d'actions on alloue 20 % au Canada, 50 % au marché américain et 30 % aux marchés internationaux, qui inclus les marchés émergents. Si on enlève notre biais domestique de 20 % pour le Canada, les 80 % qui restes reflètent approximativement les pondérations de la capitalisation boursière mondiale.

James Parkyn : J'ajouterais François que le marché canadien a toujours été plus volatil que le marché mondial, sans que le rendement n'augmente pour autant. C'est donc une mauvaise affaire pour les investisseurs d’être surpondérés en actions canadienne et la raison évidente pour laquelle vous voudriez ajouter une allocation importante en actions américaines et internationales.

Francois Doyon La Rochelle : Selon la théorie moderne du portefeuille, la diversification la plus grande possible est ce qui est le plus efficace pour réduire le risque. Donc, en théorie, votre portefeuille devrait reproduire les pondérations géographiques du marché boursier mondial.

James Parkyn : Sur une note positive, l'étude de Vanguard montre que les investisseurs canadiens et ceux des autres pays développés ont peut-être pris conscience des avantages de la diversification mondiale, comme le démontre la baisse de la préférence pour les actions domestiques entre 2012 et 2022.

Francois Doyon La Rochelle : Effectivement James, Vanguard souligne également que les actifs des fonds de pension mondiaux au cours des deux dernières décennies démontrent une diminution importante du degré de préférence pour les actions domestiques. Plus précisément, le poids moyen des actions domestiques est passé de 67,1 % en 2002 à 37,7 % en 2022 en Australie, au Canada, au Japon, aux Pays-Bas, en Suisse et au Royaume-Uni. Au cours de la dernière décennie, les données démontrent que les États-Unis ont eu l'allocation la plus importante en actions domestiques, tandis que le Canada, le Japon et la Suisse ont eu l'allocation la plus faible.

James Parkyn : On a juste à regarder les grands fonds de pension canadiens pour voir comment ces investisseurs parmi les plus sophistiqués répartissent les actifs qu'ils gèrent à l'échelle mondiale. Investments RPC, qui gère le fonds de 570 milliards de dollars du Régime de pensions du Canada, ne divulgue pas la répartition géographique de son portefeuille d'actions publiques de 135 milliards de dollars. Cependant, au 31 mars, seulement 14 % de ses actifs nets totaux étaient investis au Canada. La Caisse de dépôt et placement du Québec, gestionnaire du Régime de rentes du Québec, avait seulement 21 % de son portefeuille d'actions du marché public investi au Canada à la fin de 2022, sur un actif net de 402 milliards de dollars.

Francois Doyon La Rochelle : Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un investisseur peut préférer acheter des actions domestiques, mais ça se résume généralement à une simple familiarité. On a l’habitude d’entendre leurs noms dans notre entourage et dans les médias. La préférence pour les actions domestiques est en revanche un obstacle sérieux à la diversification des portefeuilles, ce qui est la clé de la réduction du risque. C'est particulièrement le cas ici au Canada, parce qu’une poignée d'entreprises et trois secteurs seulement dominent le marché des actions.

James Parkyn : François c’est tout à fait juste. Vanguard dans son papier canadien indique que les dix plus grands titres au Canada représentent près de 37 % de l'indice boursier canadien. En revanche, les dix plus grands titres du marché mondial représentent 16 % de celui-ci. En ce qui concerne la concentration sectorielle, le Canada est fortement surpondéré dans les services financiers (+16,4 %), l'énergie (+12,1 %) et les matériaux (+7,2 %) par rapport aux pondérations du marché mondial, et sous-pondéré dans les technologies de l'information (-13,0 %), les soins de santé (-11,7 %) et les biens de consommation discrétionnaire (-7,3 %).

Francois Doyon La Rochelle : Morningstar a également publié récemment un rapport intitulé "The Canadian Equity Market Isn't as Canadian As it Once Was" (Le marché des actions canadiennes n'est plus aussi canadien qu'il l'a déjà été).  Selon l'étude annuelle de Morningstar Indexes, seulement 48 % des revenus du marché des actions canadiennes proviennent du marché intérieur.

James Parkyn : Toujours selon Morningstar, les entreprises canadiennes, comme beaucoup d'autres marchés boursiers développés, ont mondialisé leurs sources de revenus. Le Canada est semblable aux États-Unis, au Japon, à l'Australie et à la plupart des pays d'Europe occidentale en ce qu'il est devenu moins national. Donc, malgré la pandémie et les troubles géopolitique, la mondialisation ne semble pas s'inverser.

Francois Doyon La Rochelle : Morningstar ajoute, et je cite, "les marchés émergents, au premier rang desquels se situe la Chine, tendent à être plus domestiques dans leurs sources de revenus. Deux exceptions parmi les marchés émergents sont la Corée du Sud et Taïwan, qui tirent la plupart de leurs revenus de l'étranger. Il s'agit de marchés à forte composante technologique. Les revenus internationaux de la Corée du Sud sont largement tirés par Samsung Electronics, un leader mondial des smartphones, des semi-conducteurs, des téléviseurs, etc. L'indice Morningstar Taiwan est dominé par Taiwan Semiconductor, le plus grand fabricant mondial de puces électroniques. "

James Parkyn : Ce que je retiens François, c'est qu'à mon avis, les sources de revenus des entreprises sont de plus en plus mondialisées, en particulier parmi les marchés développés. Je crois que ça peut expliquer l’augmentation des corrélations entre les marchés des actions.

Francois Doyon La Rochelle : Oui mais d'un autre côté, les multinationales domestiques peuvent-elles fournir une diversification mondiale suffisante comme alternative à l'achat d'actions mondiales ?

James Parkyn : François, selon moi ça c’est la question classique que certains investisseurs se posent. L’idée est que, étant donné que de nombreuses grandes entreprises nationales génèrent une part importante de leurs revenus à partir d’opérations à l’étranger, les avantages de la diversification mondiales se reflètent déjà dans la performance des actions domestiques. Mais nous n’acceptons pas cette façon de penser, en particulier pour les investisseurs canadiens, comme nous l’avons déjà mentionné plus tôt, notre marché boursier est considéré comme un pari à trois secteurs avec des niveaux de concentration élevés.

Francois Doyon La Rochelle : Je suis d'accord James pour plusieurs raisons. Premièrement, se concentrer simplement sur les entreprises domestiques signifie qu’un investisseur n’a aucun intérêt financier dans les principales entreprises mondiales. Deuxièmement, l’histoire des marchés des capitaux tend à démontrer que l’exposition aux devises étrangères aide à diminuer la volatilité du portefeuille. Enfin, comme tu l’as mentionné James, un portefeuille composé uniquement d'entreprises domestiques aura probablement des expositions sectorielles moins bien diversifiées qu'un portefeuille d'actions diversifié à l'échelle mondiale.

James Parkyn : Tu as soulevé un bon point François concernant l’exposition aux devises. Les investissements sur les marchés étrangers exposent l’investisseurs aux fluctuations des taux de change. Les monnaies n’ont pas de rendement intrinsèque : ils n’offrent pas de rendement, ni de coupon d’intérêt, et ni de croissance des bénéfices. Par conséquent, à long terme, l’exposition aux devises n’affecte que la volatilité des rendements. Lorsque nous construisons des portefeuilles, nous prenons en compte, dans notre décision de couverture de change, un certain nombre de facteurs, notamment la contribution des devises à la volatilité du portefeuille, la corrélation des devises avec l'actif sous-jacent et la tolérance au risque des investisseurs.

Francois Doyon La Rochelle : La fluctuation des devises peut être un facteur de risque majeur pour la volatilité des rendements des titres à revenu fixe. C'est pourquoi nous privilégions les fonds à revenu fixe diversifiés à l'échelle mondiale ou les ETF qui ont une couverture pour le change étranger. Du coté des actions internationales, la volatilité des devises ajoute un élément de diversification surtout sur le long terme.

James Parkyn : Je vais conclure pour nos auditeurs, que les investisseurs canadiens devraient envisager d’avoir une part importante de leurs portefeuilles en actions américaines et internationales. Pour déterminer le montant à répartir entre les actions domestiques, américaines et internationales, la pondération en fonction de la capitalisation boursière mondiale constitue un point de départ utile pour les investisseurs. En pratique, on suggère une allocation aux actions américaines et mondiales inférieure à ce point de départ. Notamment pour refléter plusieurs considérations, comme la réduction de la volatilité, les coûts d’implantation, les considérations fiscales, les effets des taux de change, la réglementation et finalement leurs propres préférences.

Francois Doyon La Rochelle : Merci James, je pense que ça fait le tour du sujet. J'espère que nos auditeurs ont trouvé ça intéressant.

4)   CONCLUSION :

François Doyon La Rochelle : Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir.

James Parkyn : il m’a fait plaisir Francois.

François Doyon La Rochelle : Hé bien c’est tout pour ce 56ième épisode de Sujet Capital !  Nous espérons que vous avez aimé.

N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com

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Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 26 octobre.

À bientôt!