1)   INTRODUCTION :

François Doyon La Rochelle: Bienvenue à Sujet Capital, un Balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.

Vos hôtes pour ce Balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.

Au programme aujourd’hui pour l’épisode #53 :

Pour notre premier sujet, nous ferons la revue et commenterons le rapport de l’Institut C.D. Howe sur les règles de retrait obligatoire des FERR

Et ensuite, pour notre sujet principal, nous aborderons le débat autour du portefeuille classique 60/40.

Bonne écoute !

2)   REVUE DU RAPPORT DE L’INSTITUT C.D. HOWE SUR LES RÈGLES DE RETRAIT OBLIGATOIRE POUR LE FERR :

François Doyon La Rochelle: Dans notre premier sujet d'aujourd'hui, nous discuterons d'un récent rapport de l’Institut C.D. Howe qui souligne la nécessité de réorganiser les règles entourant les retraits des fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) parce que la démographie et les réalités économiques ont changé depuis l'introduction des règles. Le rapport de l’Institut C.D. Howe s'intitule « Live Long and Prosper. Mandatory RRIF Drawdowns Raise the Risk of Outliving Tax-Deferred Saving ». Ce qui se traduit en français traduction libre “Vivez longtemps et prospérez. Les retraits obligatoires d'un FERR augmentent le risque de survivre à votre épargne dans les comptes à imposition différée.

James Parkyn: Ce rapport de l'Institut C.D. Howe arrive à un moment où de nombreux groupes d’intérêts sont consultés au sujet d'une étude sur les FERR lancée par le ministère des Finances. Cette étude, dont le ministère des Finances devrait faire rapport à la Chambre des communes au cours du mois de juin, examinera si les hypothèses sous-jacentes concernant les taux de rendement, l'inflation et la longévité sont toujours appropriées.

François Doyon La Rochelle: Oui, et avant d'entrer dans les détails du rapport, je vais donner à nos auditeurs un bref rappel sur les mécanismes entourant les retraits obligatoires d'un FERR. Lorsque vous avez un régime enregistré d'épargne-retraite (REER), vous devez convertir le compte avant le 31 décembre de l'année où vous atteignez l'âge de 71 ans. A ce moment, vous avez 3 choix, le premier choix est de convertir votre REER en FERR, le second est d'acheter une rente et la troisième option est de retirer tous les fonds de votre REER en une somme forfaitaire, entièrement imposable, et à fermer le compte.

James Parkyn: Oui mais bien que vous ayez la possibilité de retirer ou d'acheter une rente, la grande majorité des détenteurs de REER le convertiront en FERR.

François Doyon La Rochelle: Exactement et une fois que vous avez converti votre REER en FERR, vous devez effectuer des retraits annuels minimums de celui-ci au cours de la prochaine année civile suivant son ouverture. Le montant minimum que vous devez retirer est fixé dans la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu. Ce retrait annuel minimum est calculé en fonction de la juste valeur marchande de votre FERR au 1er janvier de chaque année, qui est ensuite multipliée par un facteur de pourcentage basé sur votre âge. Il est important de comprendre que ce facteur de pourcentage augmente chaque année à mesure que vous vieillissez.

Par exemple, supposons qu'un client a convertit son REER en FERR en 2022 quand il atteint l'âge de 71 ans et que la valeur marchande du FERR au 1er janvier 2023 était de 1 000 000 $, alors pour 2023 ce titulaire de FERR devrait retirer un minimum obligatoire de 5,4 % de son FERR.  Il faudrait donc qu’il retire 54 000 $. Comme je l’ai déjà mentionné, ce facteur de pourcentage augmente à chaque année à mesure que vous vieillissez pour atteindre un maximum de 20% lorsque vous atteignez 95 ans.

James Parkyn: La plupart des gens ont épargné et placé de l'argent dans leur REER pendant leurs années sur le marché du travail et ils s’attendent à tirer un revenu régulier de cet argent pendant leur retraite. Cependant, ce qui est au cœur des discussions en ce moment, c'est vraiment le retrait minimum obligatoire du FERR et le risque que ces retraits minimaux épuiseront les économies des particuliers trop rapidement.

François Doyon La Rochelle: Tu as raison James en mentionnant ça. Cependant, ce que le rapport met en évidence, et je donnerai des chiffres à nos auditeurs plus tard dans le podcast, c'est que c'est vraiment la combinaison des retraits obligatoires et le fait que les ainés vivent plus longtemps combinés aux rendements réels actuels qui sont bas qui augmentent le risque que les personnes âgées survivent à leurs économies.

James Parkyn: François, je suis d'accord mais d'un autre côté, il est important de mentionner que même si vous êtes dans l’obligation de retirer plus d'argent de votre FERR que ce dont vous avez besoin pour vivre, vous pouvez toujours réinvestir l'argent retiré. Plus simplement, si vous n'avez pas besoin de toute la somme retiré pour vos frais de subsistance, vous pouvez réinvestir cette somme dans votre compte imposable ou dans votre CELI si vous n'avez pas maximisé vos droits de cotisation.

François Doyon La Rochelle: Effectivement James, maintenant, je pense qu'il est important pour nos auditeurs de comprendre que le cadre initial qui a établi les retraits minimaux du FERR remonte à 1978. Il y a eu des petits changements occasionnels depuis, notamment en 1992, 1996, 2007 et plus récemment en 2015. Ces petits ajustements concernaient soit l'âge auquel vous deviez convertir votre REER en FERR, soit la formule de retrait. L’Institut C.D. Howe, dans son rapport, propose une refonte majeure.

James Parkyn: Cependant, je pense que le gouvernement fédéral s'est, depuis, rendu compte du stress que ces retraits minimaux obligatoires ont mis sur l'épargne des personnes âgées. Car, par exemple, en 2008 lors de la crise financière et plus récemment lors de la crise du COVID-19, ils ont temporairement réduit les retraits obligatoires de 25 %.

François Doyon La Rochelle: Je suis d'accord James, ces mesures étaient opportunes mais elles n'ont pas pris en compte le fait que les gens vivent plus longtemps et le fait que les rendements réels des actifs sûrs sont beaucoup plus faibles aujourd'hui que par le passé. L’Institut C.D. Howe dans son rapport démontre bien comment les règles de retrait interagissent avec la longévité et les rendements du portefeuille. Pour comprendre l'interaction, voici quelques données du rapport pour deux scénarios. Je vais commencer par comparer le scénario de 1992 par rapport au scénario actuel. En 1992, le rapport souligne que le rendement réel, et non nominal, le rendement réel d'un portefeuille d'obligations du gouvernement du Canada était de 5,7 %. Le rendement sur le même portefeuille d'obligations est aujourd'hui d'un maigre 0,6 %. L'impact de cette baisse de rendement signifie qu'en vertu des règles actuelles, une personne de 71 ans, quel que soit son sexe, verrait probablement la valeur de son FERR diminuer de 50 % au moment où elle atteindrait l'âge de 84 ans. Dans le scénario de 1992, basé sur les hypothèses de rendement et de longévité qui prévalait à ce moment-là, la valeur d’un FERR chuterait de 50% seulement lorsque la personne atteindrait l’âge de 91 ans. C'est une différence de sept ans.

James Parkyn: C'est une énorme différence, mais je ne suis pas surpris. Le changement au niveau du rendement réel est gigantesque. Nous avons abordé ce point dans notre dernier podcast # 52 lorsque nous avons couvert le rapport annuel du Crédit Suisse sur les rendements historiques, on a souligné à ce moment que le rendement réel de l'indice obligataire mondial au cours des 40 dernières années était probablement anormalement élevé à 6,3%, surtout par rapport au rendement des actions mondiales de 7,4 % pour la même période. Le fait que les rendements réels des actifs sûrs soient faibles pousse les retraités à avoir un poids plus important en actifs risqués dans leur portefeuille, ce qui les rends les portefeuilles plus volatils et sujets à des pertes en même temps qu'ils retirent de l'argent. C'est un double coup porté sur leurs actifs quand ça se produit.

François Doyon La Rochelle: Cette grande différence dans les rendements réels des actifs sûrs explique certainement la diminution de la valeur du portefeuille au fil du temps, mais l'autre argument de poids en faveur d’un changement c’est la longévité. En 1992, la probabilité qu'un homme ou une femme de 71 ans atteigne l’âge de 91 ans, l'année où il verrait leur portefeuille diminuer à 50 % de sa valeur initiale, était de 12 % pour les hommes et de 29 % pour les femmes. Dans le scénario actuel, un homme de 71 ans a 60% de chance et une femme 71 ans a 70% de chance d'atteindre 84 ans, soit l’année où ils verraient leur portefeuille diminuer à 50% de sa valeur d'origine. Ça signifie qu’il y a maintenant un risque beaucoup plus élevé qu’ils pourraient manquer d'argent au cours des dernières années de leur vie.

James Parkyn: François, ces chiffres démontrent clairement l'impact des rendements inférieurs sur les portefeuilles et sur la durabilité de l'épargne-retraite. Si les gens vivent plus longtemps mais que le rendement de leur investissement est plus faible, le risque d'épuiser trop rapidement leur épargne est plus élevé. Il est crucial de régler ce problème et de s'assurer que les règles entourant les retraits de FERR reflètent les réalités économiques et les changements démographiques d’aujourd’hui.

François Doyon La Rochelle: Une autre question soulevée dans le rapport concerne l'impatience du gouvernement fédéral à percevoir les impôts le plus rapidement possible plutôt que d'attendre les retraits volontaires ou le décès du titulaire du FERR pour les percevoir les impôts. Le rapport rappelle qu'il y a une limite à l'espérance de vie des particuliers mais que, le gouvernement sera en revanche toujours là dans le futur pour de récolter. Le rapport va même jusqu'à dire et je cite « l'établissement subséquent de la récupérations des prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) fondées sur le revenu a rendu ce motif fiscal d'autant plus convaincant pour le gouvernement ». C'est effectivement un autre exemple du gouvernement qui souhaite accélérer la collecte des impôts.

James Parkyn: En effet, François, je suis tout à fait d'accord. Avec les retraits minimums obligatoires du FERR, les particuliers peuvent finir par être obligé de retirer plus d'argent de leurs portefeuilles qu'ils n'en ont besoin, ce qui les pousse dans une tranche d'imposition plus élevée, ce qui augmente les recettes fiscales du gouvernement. De plus, plus les retraits obligatoires du FERR sont élevés, plus les probabilités que les prestations de la SV soient récupérées sont élevées, ce qui a un impact négatif supplémentaire sur le revenu de retraite des personnes âgées. Ces aspects de planification financière et d'optimisation fiscale sont constamment au cœur de nos échanges avec nos clients.

François Doyon La Rochelle: Oui, on fait beaucoup de travail, surtout vers la fin de l'année, pour optimiser fiscalement les retraits des portefeuilles des clients.

James Parkyn: Alors, François, qu'est-ce que l’Institut C.D. Howe recommande pour aider les personnes âgées.

François Doyon La Rochelle: Les deux premières recommandations sont de de relever l'âge initial de retrait et de repousser l'âge auquel les retraits minimaux atteignent 20% annuellement. La troisième recommandation est d'abaisser le retrait minimum requis, ils suggèrent que les retraits soient réduits de 25% ou même de 30%. L’Institut C.D. Howe recommande aussi qu'il y ait des révisions plus régulières pour tenir compte de l'évolution des rendements des actifs et de l'évolution de la longévité.

James Parkyn: Les recommandations du rapport me semblent valables. Cependant, il est clair pour moi que toute réforme des règles de retrait des FERR devra être un équilibre entre les implications plus larges pour les retraités et pour le gouvernement. La solution ultime résoudrait le risque que les retraités survivent à leurs économies et prendrait en compte la question de l'impact sur les revenus du gouvernement et aussi de l’une de ses plus grandes dépenses, c’est-à-dire la PSV.

François Doyon La Rochelle: Absolument, et en trouvant le juste équilibre, on pourrait assurer aux retraités un revenu durable et une sécurité financière à la retraite tout en répondant aux préoccupations du gouvernement concernant les recettes fiscales.

James Parkyn: On verra ce que le prochain rapport du ministère des Finances proposera pour répondre à ces questions complexes. Mais de mon point de vue, je pense qu'une approche plus personnalisée et adaptable des retraits de FERR aiderait à atténuer le risque d'épuisement trop rapide de l'épargne et donnerait aux aînés plus de flexibilité et de contrôle sur leurs finances.

François Doyon La Rochelle: Je suis d'accord, ça va être intéressant de voir comment le gouvernement va répondre à ces recommandations et quels changements seront mis en place pour trouver le juste équilibre avec les réalités changeantes de la retraite. On va s’assurer de faire un suivi dans un autre podcast quand et si des changements sont annoncés.

3)   LE DÉBAT À PROPOS DU PORTEFEUILLE BALANCÉ 60% ACTIONS & 40% OBLIGATIONS :

François Doyon La Rochelle: Notre sujet principal aujourd'hui est sur la manière classique de construire un portefeuille équilibré avec une allocation de 60 % en actions et de 40 % en obligations. Pour nos auditeurs, ce que l’on veut souligner c’est que certains des plus grands noms du monde de la gestion des actifs prennent des positions opposées dans ce débat.

James Parkyn: Ce débat est très intéressant pour plusieurs raisons. Avant de décrire les points de vue opposés, nous devrions commencer par expliquer les bases d'un portefeuille équilibré pour nos auditeurs. Le portefeuille 60/40, où 60 % est investi dans des actions et 40 % dans des obligations, est le point de départ pour de nombreux investisseurs. Avec nos clients, nous suivons un processus rigoureux pour évaluer leur profil et proposer une recommandation d'allocation d'actifs à long terme. Le portefeuille 60/40 est ensuite ajusté en fonction de l'horizon temporel de l'investisseur, de sa tolérance au risque, de sa capacité de prendre du risque et de ses objectifs financiers. Mais la combinaison actions-obligations est au cœur de ce qui est considéré comme un portefeuille équilibré et diversifié. Les obligations étant considérées comme la composante « sûre » et les actions comme la composante « risquée ou volatile ».

François Doyon La Rochelle: Je voudrais souligner qu’historiquement le portefeuille 60/40 a démontré une bonne diversification, puisque quand les actions ont baissé, les obligations ont en contrepartie augmenté en valeur. Cependant, ça ne s'est pas produit en 2022, en grande partie à cause de la forte inflation créée à la suite de la pandémie mondiale du coronavirus. Les hausses de taux d'intérêt des banques centrales pour combattre l’inflation, ont fait chuter les prix des obligations. Le portefeuille 60/40 pour les investisseurs américains a connu l'une de ses pires années, parce que les obligations n'ont pas fait ce qu'elles auraient normalement fait au cours des 40 dernières années.

James Parkyn: Et comme nos auditeurs réguliers le savent, nous avons couvert le sujet de la baisse simultanée des actions et des obligations, comme étant un phénomène rare. Je recommande également l'un de mes blogs récents intitulé "LA LUEUR D’ESPOIR APRÈS UNE ANNÉE DIFFICILE SUR LES MARCHÉS EST LA HAUSSE DES RENDEMENTS ESPÉRÉS". Le titre résume le message qui est que : « L'année dernière, les rendements à court terme ont été bien inférieurs aux attentes à long terme, tant sur le marché des actions que sur celui des obligations. Les deux classes d'actifs ont chuté de plus de 10%pour l'une des rares fois dans l'histoire. » Il est donc normal que les investisseurs remettent en question la solidité du modèle de portefeuille 60/40. Un rappel amical pour nos auditeurs de se méfier de l'effet de biais de récence. Nous avons également abordé cette question dans nos récents podcasts.

François Doyon La Rochelle: Exactement. L'année 2022 a été douloureuse pour les investisseurs, mais le bon côté c’est que ces baisses de marché ont amélioré les rendements espérés à long terme, en particulier pour les obligations. Notre collègue Raymond Kerzerho a déclaré dans notre podcast n° 50 sur les rendements espérés : « La hausse des rendements obligataires en 2022 a produit une augmentation remarquable de notre estimation des rendements obligataires espérés pour le futur. Il est passé à 4,15 % par an contre 2,5 % l'année précédente. James, tu as souvent décrit cette hausse des taux d’intérêt comme une sorte de « normalisation » par rapport aux taux ultra bas conçus par les Banques centrales pendant la pandémie.

James Parkyn: François, je pense qu'il serait utile de partager avec nos auditeurs un peu d'histoire afin d’éclairer  "Pourquoi un portefeuille 60/40 est-il devenu si populaire depuis si longtemps ?" Ma réponse est que ce portefeuille a généré de façon consistante un rendement solide avec un niveau de risque modeste, et que les rendements des obligations constituaient la sauce magique.

François Doyon La Rochelle: Je suis d'accord James. Le marché haussier des obligations qui a duré 40 ans et qui s'est terminé en 2021 explique en grande partie cette situation. Lors d'une récente conférence sur l'investissement organisée par Morningstar à Chicago, un orateur a souligné que la tendance qui a permis au portefeuille 60/40 de réussir pendant si longtemps était la baisse des taux d'intérêt.  Il a donné à titre d'exemple, que pour un investisseur basé aux États-Unis, l'indice Barclays Aggregate Bond a généré un rendement de 7,75 % par an au cours des 40 dernières années se terminant en 2021. Les investisseurs ont ainsi pu obtenir 87 % du rendement qu'ils auraient obtenu en investissant uniquement dans des actions, mais avec une volatilité inférieure de 45 %. Donc la protection offerte par les obligations ne s'est pas faite au détriment du rendement.

James Parkyn: Le portefeuille 60/40 a livré ce que les investisseurs désiraient : un excellent rendement avec un risque modeste. Mais comme nous en avons discuté dans notre Podcast #38, le Rapport annuel 2022 du Crédit Suisse a souligné que les corrélations négatives entre les actions et les obligations n'étaient pas la norme à long terme. Et encore cette année, le rapport 2023 a réitéré que les actions et les obligations ont une corrélation historiquement positive et que les 20 dernières années de corrélation négative avant 2022 n'étaient pas la norme.

François Doyon La Rochelle: Alors, est-ce que c’est juste James de dire que les obligations vont continuer d'agir comme un stabilisateur et d’aider à protéger les portefeuilles contre la volatilité plus élevée des actions ?

James Parkyn: Excellente question parce que ce que vous croyez être la réponse est là où commence le débat sur le portefeuille 60/40.

François Doyon La Rochelle: À mon avis, dans l'allocation de portefeuille 60/40, les obligations offrent trois avantages très importants : 1) une volatilité moindre, 2) un flux de revenu annuel et 3) surtout, un retour de votre capital investit. Mais il est important pour les investisseurs de comprendre que ce n’est pas toutes les obligations qui bénéficient de ces avantages, il faut donc être prudent quand vient le temps de construire cette composante du portefeuille.

James Parkyn: Voici donc les arguments qui alimentent ce débat : D'un côté, vous avez les croyants que le portefeuille équilibré a toujours du sens comme point de départ pour de nombreux investisseurs. De l'autre côté, vous avez des gestionnaires de fonds qui croient que les investissements alternatifs tels que les fonds de couverture, les commodités, les fonds de placement privés et les actifs protégés contre l'inflation peuvent offrir une diversification non corrélée supplémentaire au-delà des actions et des obligations. En effet, ce dernier groupe adopte la position suivante: "Nous ne faisons plus entièrement confiance aux actions et aux obligations pour assurer le revenu, la croissance, la protection contre l'inflation et la protection contre les baisses."

François Doyon La Rochelle: Alors, James qui est de quel côté du débat ?

James Parkyn: Eh bien François, nous avons certains des plus grands noms du secteur mondial de la gestion d'actifs. D'un côté vous avez Vanguard et Goldman Sachs. De l'autre côté du débat, on retrouve entre autres BlackRock.

François Doyon La Rochelle: James, peux-tu commencer par Vanguard. Qu'est-ce qu'ils en disent ?

James Parkyn: Vanguard croit au portefeuille 60/40. Ziqi Tan, un stratège en investissement de Vanguard dans un rapport récent, a déclaré : « Avec les valorisations favorables, la modélisation de Vanguard montre que les perspectives de rendement et le pire scénario de risque pour le portefeuille 60/40 se sont considérablement améliorés. Ces rendements espérés améliorés résultent des rendements négatifs des marchés en 2022.

Vanguard a produit un graphique qui montre la fourchette des rendements annualisés attendus pour les investisseurs américains au cours des 10 prochaines années pour un portefeuille mondial 60/40 à la fin de l'année 2022 par rapport à 2021. Les rendements attendus se sont améliorés, avec moins de risque de baisse.

Pour nos auditeurs, prenez note de ces quelques données de Vanguard :

François Doyon La Rochelle: Alors que dit nos amis chez Goldman Sachs ?

James Parkyn: Goldman soutient que la grosse perte inhabituelle comme en 2022 est inévitable dans toute stratégie et que le portefeuille 60/40 demeure une approche de base valable. Goldman calcule que les actions et les obligations américaines ont toutes deux perdues de l'argent sur une période de 12 mois seulement 2% du temps depuis 1926. La pensée de Goldman est la suivante: « Vous pouvez raisonnablement être contrarié par le fait que vos investissements aient subi une perte aussi inhabituelle, mais vous ne devez modifier radicalement votre portefeuille que si vous pensez qu'il s'agit du début d'une nouvelle ère »

François Doyon La Rochelle: James, je pense que ce qu'ils disent, c'est méfiez-vous du biais de récence. Je rappelle à nos auditeurs que le biais de récence est la tendance à surpondérer les événements/tendances récents, en les projetant dans le futur, tout en ignorant les preuves à long terme. Maintenant, de l'autre côté du débat sur le portefeuille 60/40, il y a BlackRock, le plus grand gestionnaire d'investissement au monde. Qu'est-ce qu'ils disent eux ?

James Parkyn: Selon Vivek Paul, responsable de la recherche sur les portefeuilles au BlackRock Investment Institute, dans un rapport récent a déclaré : « Il s'agit d'un régime différent. La grande modération est terminée. Se concentrer sur une seule combinaison d'allocation d'actifs passe à côté de l'essentiel : un régime de volatilité plus élevée avec une inflation persistante nécessite une nouvelle approche pour construire des portefeuilles tactiques et structurels. »

BlackRock poursuit son argument et je cite "... les pertes (en 2022) - les pires en termes nominaux pour un portefeuille 60/40 depuis la crise financière de 2008-2009 et les pires en termes réels sur une année depuis la Grande Dépression - montrent que la structure est obsolète. La bonne performance du portefeuille 60/40 a peut-être tirée à sa fin, et considérant la situation actuelle, l’arithmétique est impitoyable. »

François Doyon La Rochelle: On devrait aborder le débat sous l'angle de l'histoire des marchés des capitaux. Après que les rendements des obligations du Trésor américains 10 ans aient atteint un sommet à 15,8 % en 1981, les rendements sont tombés pendant quatre décennies jusqu’à un creux de 0,5 % en 2020, ce qui a offert des bons gains en capital aux détenteurs d'obligations en plus du revenu garanti. Encore mieux, à partir de 2000, les actions avaient tendance à augmenter lorsque les rendements obligataires augmentaient et vice versa.

James Parkyn: Mais la situation aujourd'hui est très différente de celle du début des années 1980. Par exemple, les rendements à 10 ans ne peuvent pas chuter de plus de 15 points de pourcentage au cours des 40 prochaines années, car ils ne rapportent actuellement qu'environ 3,5 %.

François Doyon La Rochelle: Ce que je comprends de ce que dit BlackRock, c'est qu’il est raisonnable de penser que des taux plus élevés pourraient durer étant donné les pressions à la hausse, à long terme, sur l'inflation due à la démondialisation, à la démographie et aux dépenses pour lutter contre les changements climatiques".

James Parkyn: BlackRock met en évidence une partie de l'histoire des marchés des capitaux pour faire valoir son point de vue en se concentrant sur "Ce que nous pouvons apprendre de l’année 1969". Ils déclarent: « Au milieu des années 1960, alors que les prix augmentaient, la Fed est passée tardivement en mode de lutte contre l'inflation en augmentant rapidement les taux d'intérêt. Cette décision a finalement conduit à une récession économique et à une période de rendements négatifs pour les actions et les obligations. Les obligations ont finalement pu fournir une couverture aux actions, mais seulement après que la Fed eut suffisamment étouffé l'inflation.

François Doyon La Rochelle: La leçon clé selon BlackRock c’est la suivante : « Les obligations peuvent être un facteur de diversification fiable lorsque la croissance économique ralentit, mais pas nécessairement lorsque l'inflation augmente. Pourquoi? Parce que lorsque les actions baissent en raison de préoccupations croissantes en matière d'inflation, la Fed peut simultanément devoir augmenter les taux d'intérêt pour ralentir l'inflation. En fin de compte, les obligations peuvent également être perdantes, ce qui pourrait exacerber les pertes dans un portefeuille diversifié 60/40. »

James Parkyn: Selon moi, c'est votre point de vue sur l'inflation qui dicte le côté du débat avec lequel vous serez d'accord. Si vous pensez que nous nous dirigeons probablement vers un avenir plus inflationniste, il est logique de détenir moins d'obligations. Mais si vous n'êtes pas sûr, le portefeuille 60/40 est toujours un bon point de départ.

François Doyon La Rochelle: Un autre argument en faveur du portefeuille 60/40 classique est que plusieurs des solutions proposées comme composante à ajouter comme coussin pour remplacer les obligations, ont également connu une année très négative en 2022. On aurait pu croire que les obligations à rendement réel du Trésor américain (les TIPS) auraient offert une bonne protection contre l’inflation, mais ça ne s'est pas produit. Depuis le début de l’année dernière la hausse des rendements réels a en fait en sorte que les TIPS américains ont perdu presque autant que les bons du Trésor américains ordinaires.

James Parkyn: C’est le même son de cloche du côté des marchés privés parce que les actifs ne sont pas transigés quotidiennement donc les prix ne sont pas réévalués au jour le jour comme dans les marchés publics. Être privé peut signifier que le gestionnaire de fonds ne vous dit pas que vous avez perdu de l'argent, mais que la valeur d'un prêt ou d'une entreprise a baissé à mesure que les taux d'intérêt ont augmenté, que l'entreprise soit privée ou cotée. Et les frais sont beaucoup plus élevés. Pour moi, la plupart des stratégies proposées pour « modifier » le portefeuille 60/40 classique ne sont tout simplement pas fondées sur des preuves appuyées par la recherche académique et sont fortement influencées par le biais de récence.

François Doyon La Rochelle: Je suis d’accord. Les investisseurs qui croient fermement que les gains récents du portefeuille 60/40 ne sont qu'un mirage devraient envisager d'échanger leurs obligations contre des fonds marchés monétaires. James, étant donné que les taux se sont "normalisés", je pense que nos auditeurs sont curieux de savoir comment le rendement espérés d'un portefeuille 60/40 a changé ?

James Parkyn: Todd Schlanger, stratège principal en investissement chez Vanguard, qui supporte l’argumentaire que l’approche 60/40 est toujours valable, a déclaré au Wall Street Journal qu'il s'attend à ce que les 10 prochaines années voient le portefeuille continuer à bien performé. Il estime que le rendement médian annualisé sur 10 ans d'une approche diversifiée 60/40 atteindra 5,4 %.

François Doyon La Rochelle: Dans le rapport sur les hypothèses de planification financière de PWL 2023, le portefeuille équilibré classique 60 % en actions et 40 % en obligations a un rendement espéré de 5,81 %. Ça c’est pour un portefeuille pondéré en fonction de la capitalisation boursière.

James Parkyn: Les rendements attendus de PWL et de Vanguard sont donc assez similaires. Je recommande à nos auditeurs de réécouter à notre podcast #50 lorsque nous avons abordé la MAJ des rendements espérés.

Maintenant, je veux synthétiser le tout pour nos auditeurs:

  • En 2022, les obligations n'ont pas joué leur rôle traditionnel de stabilisateur agissant pour compenser la volatilité négative des actions. Le portefeuille 60/40 a échoué en 2022, tout comme il a périodiquement échoué au cours des années 1970 et au début des années 1980. Mais cela a été très inhabituel sur la base de l'histoire des marchés des capitaux au cours de nombreuses décennies.

  • Votre perspective sur l'inflation sera une considération importante pour la façon dont vous construisez la répartition obligataire de votre portefeuille. Raymond Kerzerho de PWL dans notre Podcast #50 a souligné que maintenant que l'inflation est de retour, nous sommes dans un nouvel environnement économique. Si vous pensez que l'inflation sera persistante, alors si votre objectif est de réduire la volatilité de votre portefeuille, son conseil est de vous en tenir aux obligations à court terme. Nos auditeurs réguliers le savent, nous avons toujours positionné l'Allocation Stratégique Obligataire en investissant dans les Obligations à court terme.

  • Et enfin, mon point de vue François est qu'avec des valorisations de retour dans la fourchette raisonnable pour les actions et les obligations, une répartition de l'actif du portefeuille 60/40 est un point de départ tout à fait approprié.

François Doyon La Rochelle: C'est un point très important que tu soulèves James. On a toujours gardé une discipline d’avoir des obligations de courte durée et de grande qualité dans notre allocation obligataire. Ça nous a très bien servi en 2022. Ce que nous savons de l'histoire des marché des capitaux, c’est que les portefeuilles équilibrés se porte bien lorsque les taux d'intérêt baissent et que l'économie est saine et ils fonctionnent également de manière acceptable pendant les récessions. En revanche, ils ne résistent pas facilement aux chocs inflationnistes qui entraînent une forte hausse des taux. Si on suppose que les banques centrales peuvent garder l'inflation sous contrôle, je pense qu’un portefeuille équilibré profitera aux investisseurs qui maintiennent le cap.

James Parkyn: Larry Swedroe, dans un article récent sur le biais de récence, le dit bien : "Résister au biais de récence est la clé pour capter les primes de risque disponibles sur toutes les classes d’actifs. En effet, parmi tous les biais comportementaux que les investisseurs doivent surmonter, la récence est l'un des plus puissants. Il est tentant de vendre un investissement qui a subi des pertes parce qu'il est facile de penser que les pertes vont continuer à se produire. Comme les primes de risque s'ajustent sur une base annuelle, les investisseurs doivent avoir un horizon à long terme pour capter les rendements espérés des classes d'actifs.

François Doyon La Rochelle: Pour conclure James, je pense qu’il est important de réitérer notre discipline, comme nos auditeurs réguliers le savent, cette discipline est qu’il faut toujours garder « L'état d’esprit d’un investisseur, axé sur le long terme ». Ce qu’on veut s’est d’éviter d’être induits en erreur par le bruit à court terme dans les médias financiers et par la récente volatilité des marchés financiers. C’est un défi qui est de taille et qui s'applique à tous les investisseurs, y compris nous, les professionnels. On l’a dit souvent dans le Podcast : « C'est simple à dire mais pas facile à faire : on doit toujours être conscients qu’on peut tomber dans le piège d'essayer de « prévoir l'avenir ».

4)   CONCLUSION :

François Doyon La Rochelle: Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir.

James Parkyn: il m’a fait plaisir Francois.

François Doyon La Rochelle: Hé bien c’est tout pour ce 53ième épisode de Sujet Capital!  Nous espérons que vous avez aimé. N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com

De plus, si vous aimez notre podcast, partagez-le avec votre famille et vos amis et si vous n'y êtes pas abonné, faites-le SVP.

Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode qui sortira le 6 juillet.

A bientôt!